Paroles de mes "Poilus"
Je conserve les cahiers que mes grands-pères ont écrits pendant la guerre de 1914-1918.
Georges, mon grand-père maternel, a surtout écrit des poèmes d'amour à ma grand-mère, Henriette.
Victor, mon grand-père paternel, a dédié son journal à sa femme, mon autre grand-mère, qu'il nomme "ma fidèle compagne, Mère douce, bonne et dévouée" et à ses deux enfants, Violette et Karl, ma tante et mon père.
La transcription de ses écrits est compliquée, encre effacée, écriture pas toujours évidente, mais j'ai voulu leur rendre hommage.
Je vous livre aujoud'hui un texte de mon grand-père Victor.
1er mai 1916
Partout des soldats sont sur pieds
Prêts à fondre en avalanche…
Ce mois de mai verra encore des massacres, d’horribles tueries.
Des fleurs simples et coquettes décoreront de futurs champs de batailles.
Les hommes, irrités, barbares, passeront près de ces beautés sans même leur jeter un regard de regret.
Ils n’ont qu’une pensée, le repos, qu’un espoir, la mort.
Allez compagnons de la Camarde, inlassables martyrs !
Allez sous la mitraille formidable et criminelle tenter l’effort insensé de suprême libération !
Si vous succombez, les générations prochaines graveront dans le temple du souvenir votre impérissable abnégation !
Vivants ! Les héros sauront rappeler à leurs fils que ce n’est pas en vain que le glaive s’est saturé de sang, que l’indépendance des peuples doit être la révolte amassée dans ces charniers humains.
Trêve de démagogie, la parole fut aux armes, et les hommes ont fait apprentissage de leur métier de libérateurs.
Ils se souviendront de leurs souffrances et ils estimeront que la fraternité doit chasser ces torpeurs du passé.
Ils voudront vivre avec la liberté qui fut, durant la tragédie, la compagne fidèle de leurs rêves et de leurs aspirations.